DE HENRI III. [i-Ï79]                          191
Le mercredy 19 d'août, Bussy d'Amboise, premier gentilhomme de M. le duc, gouverneur d'Anjou et abbé de Bourgueil, qui avoit fait tant le grand et le hautain à cause de la faveur de son maître, et qui avoit fait tant de pilleries ès pays d'Anjou et du Maine, fut tué par le seigneur de Monsoreau, ensemble avec lui le lieutenant criminel de Saumur, en une maison dudit Monsoreau, oii la nuit ledit lieutenant, qui etoit son messager d'amour, l'avoit conduit pour coucher avec la femme dudit Monsoreau C1) à laquelle Bussy faisoit l'amour depuis long-tems, et auquel ladite dame avoit donné exprès cette fausse assignation pour le faire sur­prendre par Monsoreau son mary ; à laquelle comparais­sant sur la minuit, fut aussitôt investi et assailli par dix ou douze qui accompagnoient Monsoreau, [lesquels, de furie, se ruèrent sur lui pour le massacrer.] Ce gentil­homme se voyant si pauvrement trahi, [et qu'il étoit seul, comme on ne s'accompagne gueres pour telles exécu­tions ,] ne laissa pas de se deffendre jusqu'au bout, mon­trant, comme il disoit souvent, que la peur n'avoit jamais trouvé place dans son cœur : car il combattit toujours tant qu'il lui demeura un morceau d'épée dans la main, et après s'aida des tables, chaises et escabelles, avec lesquelles il blessa trois ou quatre de ses ennemis, jus-
(-) La. femme dudit Monsoreau : Le duc d'Anjou, pour divertir le Roi son frère, lui montra une lettre de Bussy dans laquelle il lui man­doit qu'il avoit tendu des rets à la biche du grand veneur, et qu'il la tenoit dans ses filets. Cette biche étoit la femme de Charles de Cham­bres , comte de Montsoreau, à qui le duc d'Anjou, à la sollicitation de Bussy, avoit donné la charge de son grand veneur. Le Boi garda cette lettre ; et comme il y avoit déjà long-temps qu'il en vouloit à Bussy, il la lut au comte de Monsoreau, qui obligea sa femme à donner un rendez-vous dans un château a Bussy, et l'y fit assas­siner.
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